1974-2024 : 50 ans de la Révolution des Œillets Entrez dans la révolution du 25 avril
Crédit : Centro de Documentação 25 de Abril
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Avril 1974 - avril 2024, il y a 50 ans, le 25 avril précisément, de jeunes officiers prennent les armes et renversent une dictature vieille d’un demi-siècle au Portugal, mettant fin aux guerres coloniales et réinstaurant la démocratie. Cet événement reste en France assez méconnu. Heureusement, cette commémoration s’accompagne d’une historiographie renouvelée, d’une fièvre éditoriale littéraire et scientifique, de nombreuses émissions de vulgarisation et d’un agenda culturel foisonnant. Et si nous voyions l’anniversaire de ce Cinquantenaire, comme l’heureuse opportunité d’en apprendre davantage sur l’histoire du Portugal ? Allez, vamos lá, entrez dans cette révolution du 25 avril : on vous dit tout ou presque !
Une introduction à la Révolution
Sur votre route, impossible de passer à côté des ouvrages d’Yves Léonard, historien spécialiste du Portugal. Sa bibliographie est une bonne entrée en matière pour comprendre dans sa globalité bien des aspects de l’histoire du Portugal d’hier et d’aujourd’hui, à l’exemple de deux de ses publications phares que sont, L’Histoire de la nation portugaise et L’Histoire du Portugal contemporain. Son prochain livre à paraître aux Éditions Perrin le 18 avril 2024 est une biographie intitulée Salazar: Le dictateur énigmatique. De nombreux travaux de recherche entourent ce 25 avril, portés par une jeune génération d’historiens. Victor Pereira est l’un d’entre eux. Au micro d’André Loez dans l’émission Paroles d’Histoire, son livre C’est le peuple qui commande aux Éditions du Détour offre une très bonne restitution historique de l’événement de 1974. Comment en moins de vingt-quatre heures, de jeunes officiers renversent une dictature en place depuis quatre décennies ? À quel type de régime la Révolution des Œillets met-elle fin ? Cette étude offre une synthèse du processus révolutionnaire par l’analyse de sa dynamique. Elle met en lumière les oppositions entre partis politiques et militaires, les inquiétudes diplomatiques qui en découlent et les aspirations des différents mouvements sociaux que la révolution soulève. Raquel Varela dans Un peuple en révolution : Portugal, 1974-1975 s’intéresse également à l’aspect social de la révolution portugaise en mettant l'accent sur le rôle essentiel de la mobilisation des ouvriers et des habitants. Cette historiographie s’enrichit de l’interdisciplinarité de la recherche, à l’exemple des travaux à paraître du sociologue Ugo Palheta (Découvrir la révolution des Œillets). Enfin, l’essai d’Eduardo Lourenço (Mythologie de la saudade : essais sur la mélancolie portugaise) apporte une dimension philosophique à l’histoire du Portugal, offrant ainsi un cadre de réflexion plus large à la révolution du 25 avril. Toutes ces études ont profondément enrichi et renouvelé l’histoire de la révolution des Œillets.
Lisbonne printemps 1974: les capitaines d’avril s’en prennent au régime autoritaire (caractérisé par la censure, la répression et la torture), conservateur et autocratique mis en place par António de Oliveira Salazar en 1933 décédé quelques années plus tôt. Les guerres coloniales usantes et violentes en Guinée-Bissau, en Angola, au Mozambique… apparaissent, elles aussi, de plus en plus contestées. Antonio Lobo Antunes médecin tout juste diplômé, envoyé en Angola par l’Estado Novo témoigne de la déliquescence de l’Empire portugais et de son échec dans Lettres de la Guerre. Dans un Portugal encore très rural, à l’image du livre Relevé de terre de José Saramago (prix Nobel de littérature en 1998), l’éveil politique des consciences se réalise, certes à l’occasion des manifestations en réaction aux guerres coloniales, mais aussi dans les casernes militaires, où circulent sous le manteau les livres de Marx, de Mao et où s’écoutent en toute illégalité les programmes des radios étrangères. La bande dessinée de Mathieu Sapin : Edgar. De Lisbonne à Paris, dans les pas de mon beau-père révolutionnaire raconte bien le processus de politisation de son beau-père. La censure des médias, la chape de plomb éprouvée au quotidien, l’aspiration à la liberté et la préparation de la révolution depuis l’étranger, conduisent Edgar, tout comme de nombreux de ses compatriotes à quitter le pays. Entre 1957 et 1974, 1,4 millions de personnes ont émigré, soit 10% de la population portugaise totale !
D'un coup d'État militaire à une véritable révolution politique, sociale et culturelle
C’est paradoxalement parmi les militaires, pierre angulaire du régime de Salazar que la résistance s’organise. Parmi les jeunes capitaines plus exactement, qui dès mars 1974 exposent leurs projets politiques. Le 16 mars 1974, les militaires de la caserne de Caldas da Rainha se soulèvent et descendent sur Lisbonne. Fort de cette expérience, Otelo Saraiva De Carvalho poursuit les préparatifs visant à la destitution du régime. Une première chanson diffusée à la radio le 24 avril, à 22h55 E depois do Adeus, sonne comme le premier signal au soulèvement par le MFA (Mouvement des Forces armées). À 0h20, Rádio Renascença diffuse la chanson Grândola, Vila Morena de José Afonso, figure de l’opposition à la dictature, et donne le feu vert au déclenchement de l’opération intitulée « Virage historique ». Alors que le régime autoritaire en place muselait tous les moyens d'information, les chansons ont permis de véhiculer le message révolutionnaire (avec des paroles telles que « c’est le peuple qui commande »), d'alerter les consciences et de préparer l'action qui amena le Portugal à la démocratie. En quelques heures, les insurgés prennent le contrôle de la radio, occupent l’aéroport, les ministères, la Banque du Portugal…Très vite la population sympathise avec le mouvement, à l’image des rassemblements pacifiques d’employés et d’ouvriers dans la capitale autour du MFA et de la fleuriste Celeste Caeiro qui prend l’initiative de distribuer des œillets rouges aux soldats en route vers la place du Carmo. Après de brèves négociations, le président du Conseil Marcelo Caetano démissionne à 18h00. D’un coup d’État militaire, le mouvement tourne à une véritable révolution politique, sociale et culturelle. Ces scènes de liesse populaire sont à revivre dans le film documentaire Capitães de Abril (Capitaine d’Avril) de Maria de Medeiros, projeté le samedi 27 avril à 15h à la bibliothèque Germaine Tillion. Le 1er mai 1974, fête internationale des travailleurs, la dimension populaire de l’événement atteint son apogée : c’est tout un peuple qui défile librement, sans craindre la répression policière. Le mouvement syndical reclus jusqu’alors dans la clandestinité s’exprime au grand jour.
Des répercussions mondiales
La Révolution des Œillets met fin à cinquante années de dictature au Portugal et à quatorze années de guerres et de violences dans ses colonies. Ses répercussions politiques et sociales s’observent à l’échelle mondiale. En Afrique, la présence étrangère vieille de 500 ans s’éteint et la voie des indépendances s’ouvre après de nombreuses années de lutte, comme en témoignent les écrits et l’engagement de l’auteur mozambicain Mia Couto au Frelimo (le Front de libération du Mozambique). Au total, près de 600 000 « Retornados » reviennent en métropole dès 1975. Isabela Figueiredo est l’une d’entre elles. Son Carnet de mémoires coloniales décrit sans fard le racisme, la violence et le sexisme inhérents au système colonial instauré par le Portugal au Mozambique. Dulce Maria Cardoso quant à elle, a vécu en Angola. Elle aborde le thème de l’exil et du colonialisme dans Le retour. Dans la France Giscardienne, premier pays d’émigration des Portugais (800 000 émigrés ont fui la dictature) la réception de la révolution des Œillets est importante. Des secousses à l’onde de choc du 25 avril se font sentir avec des revendications économiques et sociales dans les milieux industriels. Celles-ci concernent l’augmentation des salaires notamment. Sur le plan international, la révolution des Œillets est porteuse d’espoirs où des répliques du 25 avril sont espérées en Espagne, en Afrique du Sud, en Grèce… Pour le Portugal, elle permettra d’instaurer un régime démocratique et pluraliste, avec des libertés et des droits inscrits dans une nouvelle Constitution, que consacreront les élections d’avril 1976.
Des festivités pour le cinquantenaire
Jeudi 25 avril 2024, si vous n’êtes pas à Lisbonne pour les festivités du Cinquantenaire de la Révolution des Œillets, n’hésitez pas vivre l’événement à travers une programmation riche qui vous fera découvrir son histoire. La littérature lusophone est à découvrir ou redécouvrir dans vos bibliothèques et en librairie à travers notre sélection bibliographique. Et si vous ne pouviez en choisir qu’un sur le sujet, nous vous conseillerions Les Mémorables de Lidia Jorge : la chute de Salazar et la transformation du Portugal en 1974 ont inspiré à l’écrivaine « un roman mélancolique et paradoxalement optimiste ». Le Monde 12 mai 2015.
Ce livre, ainsi que beaucoup d’autres traitant du Portugal sont à retrouver à la bibliothèque Benoîte Groult unique bibliothèque publique du réseau parisien à proposer en prêt gratuit, un fonds de 200 titres en langue originale portugaise. Romans classiques, nouveautés, albums pour la jeunesse, sont les types de documents que vous pouvez emprunter pour 4 semaines. Elle possède également un fonds d’une cinquantaine de méthodes de langues pour apprendre et maîtriser cette langue. Toutes les références sont à retrouver au catalogue collectif des bibliothèques et dans la sélection ci-dessous.
Bon anniversaire à la révolution du 25 avril ! Parabéns à revolução do 25 de abril!
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Ressources
"Grândola Vila Morena" : histoire d'une chanson révolutionnaire
Le fado : partie 1 et Le fado : partie 2
La musique portugaise du XIXème et du début du XXème siècle
Sélection bibliothèque numérique sur le Portugal
Par Lisa N., bibliothèque Benoîte Groult.