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Musique
Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme
Edité par Modulor - paru en C 2022
Astéréotypie s'est constitué, il y a une dizaine d'années à l'institut médico-éducatif de Bourg-la-Reine autour de Christophe L'Huillier, alors éducateur, qui avait découvert l'intérêt de mettre en musique et en bouche les textes produits en atelier d'écriture. Ces auteur.e.s-interprètes partagent une dimension de leur existence qu'on appelle l'autisme. Un prisme auquel ils ont bien souvent été assigné dans leur parcours, mais qui devient vite accessoire dans le collectif. On s'éloigne donc du témoignage et on bifurque à toute vitesse dans les profondeurs de la matrice et du terrier d'Alice, après avoir gobé la pilule rouge de Morpheus. C'est un groupe au son nerveux comme un corps sur scène, entre joie et tension, besoin de décharges et envie de partage. Ils sont neuf : Claire Ottaway, Yohann Goetzmann, Stanislas Carmont et Aurelien Lobjoit écrivent et scandent leurs textes. Félix Giubergia, l'homme de l'ombre, en signe trois. Christophe L'Huillier tient la guitare, Arthur B. Gillette et Eric Tafani, tous deux membres du groupe Moriarty, s'occupent respectivement des textures sonores de la guitare et de la batterie, tandis que Benoît Guivarch joue des claviers et des synthés modulaires. Astéréotypie est un groupe de post-punk d'une efficacité redoutable. Si on ne sait pas quel chemin emprunter pour quitter l'autoroute d'une normalité agaçante, on peut suivre ce guide, qui sait bien que la réalité est une façon de parler que l'on peut transformer en papier mâché. Les membres d'Astéréotypie sont des hackers du réel qui chopent dans la culture qui les assomme les éléments saillants pour s'y repérer dans la tourmente. Ils digèrent et régurgitent à leur façon ce trop plein d'informations pour en faire une vraie écriture brute que ce soit en plagiant les discours-type d'un marabout, en s'inspirant des sites de santé en ligne, ou en annonçant un mariage prochain avec un billet de vingt euros. À l'écoute d'Aucun Mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme, le troisième album du collectif, on quitte le monde du sens figé, le monde d'une langue-prison comme une solution prête à penser. Les textes d'Astéréotypie et les voix qui les portent sont des révélateurs hypersurréalistes de leur biotope de supermarchés, de télé, de chiffres, de biens de consommations, de véhicules, de personnages historiques et d'injonctions diverses. Miroir distordu donc, tendu vers nous, aussi flippant dans le fond que fort dans la forme. Croiser le collectif Astéréotypie, ça secoue. Assurément aucun groupe ne ressemble à Astéréotypie dans la Drôme, ni sûrement même dans le monde... la vie réelle est parfois réjouissante !